samedi 20 janvier 2018

Du stéréotype dans les films



La grande question de savoir ce qu’est un bon film se heurte assez vite, hormis pour les cas incontestables (lorsque les films sont incontestablement excellents ou très mauvais), aux sensibilités de chacun.
On peut pourtant suggérer une ligne de fracture qui est pour beaucoup dans la différence entre bons films et mauvais films.

En effet, dans certains œuvres, les personnages apparaissent très stéréotypés et, à aucun moment, ils ne sortent de ce stéréotype ou ne viennent le contredire. Par exemple, au début des Choristes de C. Barratier, Clément Mathieu (Gérard Jugnot) apparaît comme un bon bougre gentil, ce qu'il restera tout au long du film ; de même pour Rachin (François Berléand), qui sera invariablement, pendant tout le film, un directeur tyrannique et impitoyable.

À l’inverse, dans d’autres films, les personnages (ou tout du moins le personnage principal) se complexifient au cours du récit, soit en se révélant au spectateur, soit en se révélant à eux-mêmes. Par exemple dans Mud, le jeune Ellis perd progressivement ses idéaux et, à cette évolution, répond celle de Mud lui-même qui évolue considérablement lui aussi, jusqu’à une véritable renaissance. Le héros peut aussi évoluer en mal, c’est-à-dire décevoir ou se retourner contre d’autres personnages. C’est le cas de Tom Dunson, personnage complexe et pivot de La Rivière rouge. (1)

Ainsi, bien des films, qui ont pourtant une certaine ambition – notamment en ce qu’ils se veulent un reflet de la société ou parce qu’ils entendent délivrer un « message » –, passent complètement à côté de leur sujet à cause de ces personnages superficiels et qui semblent imperméables à tout et sans complexité.
Tous les protagonistes du Capital de Costa-Gavras sont ainsi des caricatures, brossées sans aucune finesse. Il n’est pas un seul personnage qui sortira de la case qui lui est assignée à la première minute du récit. Il n’y en a pas un qui évoluera ou réagira de manière surprenante ou complexe. Le militantisme affiché par le film perd alors toute substance et ne convainc que ceux qui sont déjà convaincus par les thèses de l’auteur.
Il manque clairement une dimension à ces personnages qui restent insensibles aux expériences qu’ils rencontrent. Ils sonnent faux et, même dans les films qui cherchent à rattacher leur récit à une réalité, n’apparaissent pas du tout crédibles.


Le Capital de Costa-Gavras

C’est ainsi que, dans beaucoup de films, c’est le trajet du héros qui fascine. Certains personnages sont ainsi devenus des exemples typiques (et passionnants) d’un enrichissement qui va croissant au fur et à mesure de l’avancée du récit :

- Dans Les Raisons de la colère, Tom Joad sort de prison (il ignore tout des tenants et aboutissants de la période de crise qui frappe les siens) et le film montre l’éveil d’une conscience politique et un investissement progressif dans les syndicats.
- Ethan Edwards, dans La Prisonnière du désert, prend conscience progressivement qu’il est un homme du passé et que ses haines sont d’un autre temps.
- Dans Le Parrain, Michael Corleone prend en main les rênes de la famille, derrière un premier frère trop sanguin et un second falot. Lui qui voulait se tenir à l’écart de sa famille comprend qu’il n’a pas d’autres choix et il accomplit précisément ce qu’il voulait éviter.
- Dans Une place au soleil, George Eastman est coincé dans une situation qui lui échappe et dont il ne sait comment se dépêtrer. Chaque avancée dans le récit est comme un poids supplémentaire sur ses épaules.
- Le Dernier face à face de S. Sollima est considérablement enrichi par les deux personnages qui se révèlent ne pas être du tout ce qu’ils semblaient être. S’il n’y avait ce parcours croisé des deux protagonistes, le film n’aurait à peu près rien à dire.


Les Raisins de la colère de J. Ford

On sera donc sensible à ces personnages à la trajectoire courbe et hasardeuse et non rectiligne et comme prédéterminée. Dans mille et un films de série B – mais aussi, on l’a dit, dans bien des films qui prétendent amener une réflexion – il n’y a rien à attendre d’autre que le déroulement du récit, qui apparaît comme une suite d’étapes sans effet sur des personnages monolithiques.

Disons, si l’on veut être moins catégorique dans cette distinction entre bons et mauvais films, que cette évolution des personnages est peut-être ce qu’il manque à un certain nombre de films pour être bien meilleurs.



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(1) : Il faut bien sûr exclure de cette dichotomie les films de série (par exemple les films de James Bond ou avec Indiana Jones) qui, précisément, supportent mal que le héros puisse changer, de même que les comédies, purement divertissantes.
On notera également que de nombreux personnages de films modernes (entendant par là des films qui procèdent de l’image-temps), n’évoluent pas du tout. Mais on est ici dans un cas particulier puisque le film lui-même, souvent, n’est qu’une errance, sans véritable leitmotiv, et il n’arrive rien de particulier au personnage (c’est d’ailleurs bien là, souvent, ce que veut montrer le réalisateur). Le temps passe, le personnage ne sait pas trop où il va, il n’a pas de but véritable.


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