dimanche 19 juillet 2015

Tout ce que le ciel permet (All That Heaven Allows de D. Sirk, 1955)




Sublime film de Sirk qui, sous un aspect qui apparaît kitsch et naïf, propose une vision de l’Amérique à la fois très critique et très prophétique.
Tout ce que le ciel permet est d’abord une critique de l’Amérique des années 50. Critique dure qui prend comme déclencheur la situation d'une femme veuve qui aime un homme plus jeune qu’elle (quinze ans les séparent). Qu’il s’agisse du regard de la bonne société ou de celle de ses enfants, la condamnation est totale : Cary ne peut être heureuse comme elle l’entend. La scène où ses enfants lui offrent une télévision pour ne plus qu’elle soit seule est à la fois terriblement angoissante et terriblement prophétique.

Le reflet de Cary dans la télévision éteinte
Mais Sirk – et c’est là une richesse immense du film – ne se contente pas de critiquer, il propose des pistes pour se sortir de l’aliénation sociale qu’il décrit. En effet, par le personnage de Ron, Sirk fait allusion à la philosophie de H. D. Thoreau, allant même jusqu’à faire expliquer par un ami proche de Ron que « Ron n’aime pas Thoreau, il est l’incarnation même de cette philosophie ». Thoreau sera le philosophe majeur de la contre-culture américaine, qui se propagera dans l'Amérique qu’une dizaine d’années après le film. En ce sens, Sirk sent son pays d’accueil mieux que personne. Les producteurs ne jugeaient pas indispensables certaines scènes où il est fait allusion à Walden ou la vie dans les bois, c’est Sirk qui a insisté – on le comprend : une part de la substance de son film est là – pour que les scènes soient préservées.
Ron le jardinier qui cultive des plantes dans sa serre d'où il voit les étoiles et quelques arbres au dehors (« si on est impatient, on ne fait pas pousser des arbres ») ; Ron détaché de toute casification sociale, détaché de ce qui se fait ou ne se fait pas ; Ron qui construit, peu à peu, sa maison – son moulin – au bord de l’eau : il est la piste à suivre pour que la société américaine sorte de son carcan et revienne à des fondamentaux assainis. Sirk propose donc un retour à la Nature – rejoignant l’éthique d’harmonie proposée par Thoreau – tout en reprenant le mythe fondateur du pionnier qui construit son habitat.


Cary découvrant Walden ou la vie dans les bois de H. D. Thoreau
Il faut remarquer que le film décrit une société bien différente de celle montrée par N. Ray dans La Fureur de vivre (sorti la même année) où Jim (James Dean) cherche à secouer la société, en s’opposant à des parents beaucoup trop traditionnels. Chez Sirk les enfants ont les mêmes préjugés que les adultes et font partie des forces conformistes les plus puissantes.

Sirk parvient à résumer son film et son idée dans un ultime plan sublime.



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