lundi 21 décembre 2015

Madame de... (M. Ophüls, 1953)




Film éblouissant, où le génie de Max Ophüls éclate à chaque plan. La trame est celle du triangle amoureux, traité ici sur le ton dramatique du mensonge et de la passion. Mensonge et passion qui se cristallisent autour d’un bijou (une paire de boucles d’oreilles). Dans ce film plus encore que dans d’autres de ses chefs-d’œuvre (on pense à Lettre d’une inconnue), le style d’Ophüls se marie avec les idées qu’il veut faire passer : le mouvement incessant de sa caméra répond aux transformations des personnages, au temps qui les change, à la naissance de la passion, à l’extinction des relations (entre Madame de… et son mari).
L'interprétation est hors de pair. Danielle Darieux campe une Madame de… d'abord transparente et frivole, affectée réellement par rien, si ce n’est par de minuscules affaires de bijoux. C’est l’épisode des boucles d’oreilles, pour lesquelles elle va prier la Vierge. Les boucles d’oreille, si elles constituent d’abord le point central du film, laisseront place à l’intrigue amoureuse mais serviront de témoins et de révélateurs : en effet leur signification devient tout autre au fur et à mesure de l’histoire pour devenir ce que Madame de… a de plus cher. Et ce n’est qu’à la fin qu’on retrouve Madame de… en train de prier à nouveau la Vierge, lui offrir les bijoux même : c’est alors une madone éplorée qui vient prier pour sa vie.
Charles Boyer, en mari trompé, conscient et cynique, est admirable. Son ton à la fois sec et ironique joue à plein le contraste avec sa petite femme perdue. Vittorio de Sica, en amant italien est parfait. Et le triangle se joue dans un univers de miroirs, de transparence qui reflète les faux-semblants de la société décadente (celle de l'Europe à la fin du XIXème siècle), les faux-fuyants amoureux de Madame De... et de son mari.

Madame de...au Baron Fabrizio Donati :
"Je ne vous aime pas, je ne vous aime pas..."
Ophüls, par une succession de fondus enchaînés montrant un ballet de valses qui n’en finit pas, illustre le couple qui se forme au fur et à mesure. Sa caméra est sans cesse animée de mouvements souples (il n'y a pas un seul plan fixe de tout le film), caméra qui explore, tourne, contourne, monte et descend, dans des constructions typiques du réalisateur mais ici portée à leur perfection. On tient là un film parfait, très beau, baroque, touchant et cristallin.


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