mardi 22 avril 2014

Ordet (C. T. Dreyer, 1955)




Exceptionnel film de Carl Dreyer, assez âpre, sec, bavard, mais qui ouvre vers une fin éblouissante (peut-être une des plus belles fins du cinéma).
Le film questionne la foi dans sa quotidienneté et aussi son universalité au travers de deux visions protestantes, en particulier celle de la famille Borgen, au milieu des querelles de sceptiques ou de fanatiques. Chacun des membres de la famille, dominée par le patriarche, Morgen, présentant une manière différente de vivre sa foi.
Anders, le dernier fils de Morgen, veut se marier avec une fille de la famille Skraedder, mais les chefs de famille s’opposent, Peter Skradder étant d’une religiosité rigoriste. Le fils aîné de Morgen est marié avec Inger, qui meurt bientôt en couches. Quant à Johannes, le benjamin, il sera le cœur du film et c’est un personnage exceptionnel : il s’identifie à Jésus-Christ, on le croit fou.
Avec une rigueur et une maîtrise absolue, Dreyer construit chaque plan, dispose ses personnages en les laissant cloîtrés dans une ferme, avec simplement, le temps de les perdre dans les dunes, quelques scènes à la recherche de Johannes.

Dans sa foi, chaque personnage vit, chacun à sa façon, son doute, l’éloignant de la parole de Jésus (parole qui est portée par Johannes). Depuis l’aîné, qui se demande si la foi est bien importante, jusqu’à Inger, douce et aimante. C’est ce doute qui enserre la famille, et qui est le lien entre la foi et la vie de tous les jours. C’est ce doute que vient balayer Johannes. Extraordinaire Johannes, avec son visage christique, et son phrasé monocorde et vibrant de foi.


La séquence du miracle est exceptionnelle, elle touche par son aspect merveilleux, plus direct et appuyé que dans les films de Rossellini (dans Voyage en Italie par exemple). Dreyer n’hésite pas : le miracle accompli est une résurrection.
Dreyer interroge évidemment la question d’un nouvel avènement du Christ, en la personne de Johannes (qui prône la foi en la possibilité d’un miracle et dans la bonté de Dieu). Mais Johannes doit accomplir un miracle – il faut que sa parole « prenne corps » – pour ne plus passer pour un fou. Alors que, tout au contraire, il est celui qui voit mieux, qui ne doute pas.


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