samedi 8 juin 2013

Ran (A. Kurosawa, 1985)




Splendide film de Akira Kurosawa, qui délivre une fresque historique épique et terriblement tragique. Alors qu’il vient de réaliser le magistral Dersou Ouzala, film intimiste et à la dimension de l’individu, il délivre coup sur coup deux fresques immenses  Kagemusha et Ran  , où des armées en mouvements s’entre-déchirent, où des bordées de flèches sont tirées contre des châteaux assiégés, des oriflammes sont brandies et des machinations ourdies. Et Kurosawa passe d’un style à l’autre avec une même maîtrise.
Cette adaptation du Roi Lear brille à la fois par son style épique, théâtral et la puissance de certaines scènes flamboyantes et stylisées.
Autour du vieillard Ichimonji qui pense préserver son royaume – jusqu’alors géré avec une main de fer – en passant la main à ses fils, on assiste, tout au contraire, à un déferlement de jalousie, de haine et de violence entre ces fils qui s’entre-déchirent. Si Ichimonji devient progressivement fou, ce n’est pas seulement de voir son royaume détruit dans une guerre fratricide, c’est aussi parce que son royaume, construit et tenu par la violence, ne peut qu’engendrer de la violence. Cette terrible prise de conscience lui fait perdre la raison.
Le style flamboyant de Kurosawa donne ici sa pleine mesure, avec des scènes de guerre qui sont autant de tableaux, sublimement construits et colorés, tantôt mouvants et ondulants dans la plaine, tantôt sanglants et déchirés par la violence.


On retrouve néanmoins le regard qui était celui de Kurosawa dans Dersou Ouzala, à la fois dans la maîtrise sereine de la mise en scène (qui contraste avec la violence qui se déchaîne) et dans l’incapacité des personnages à prendre un quelconque recul, à dépasser leur condition. Là où Dersou Ouzala entraînait le capitaine dans les méandres poétiques de l’approche animiste, les personnages sont ici diamétralement opposés, en étant ancrés dans un pragmatisme violent et destructeur qui apparaît dès lors tout à fait vain.


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