mardi 8 décembre 2015

Brève rencontre (Brief Encounter de D. Lean, 1945)



Brève rencontre David Lean Trevor Howard Poster Affiche

Très beau film intimiste et touchant, déchirant même, avec peu de moyens et de très bons acteurs. Il faut reconnaître que ce film méconnu du réalisateur dénote, à côté de ses fresques célébrissimes. Ici les images distillent une intimité triste et contenue. Les conditions de tournage ont nécessité de s'éloigner de Londres pour plusieurs scènes : la gare utilisée est celle de Carnforth, dans le nord de l'Angleterre, même si la plupart des scènes (à l'intérieur de la gare notamment) ont pu être tournées aux portes de Londres, aux studios de Denham.
Avant le lyrisme de ses films les plus connus, Lean filme l’intimité de ses personnages et cherche à capter – à coups de mouvements de caméra discrets, de petits zooms – leurs ressentis, leurs émotions naissantes. Le film se cantonne à des lieux familiers, sans âme même, des lieux de la grisaille quotidienne, des lieux où on ne s’attarde pas. Le lieu clef autour duquel tourne l'intrigue est un petit buffet de gare insignifiant dans lequel les voyageurs prennent un verre en attendant le train. Le film est d'ailleurs issu d'une pièce de théâtre qui cantonnait toutes ses scènes à ce buffet de gare. On est bien loin de l'exotisme des déserts de l'Arabie, de la jungle birmane ou de la neige de Russie !
Les lieux de l'action sont familiers et quelconques parce que l'histoire se veut banale, dans le sens où elle peut arriver à tout le monde, n'importe quand. C'est là l'essentiel du propos de Lean qui s'applique à prendre comme personnages principaux un homme et une femme rangés, chacun marié, chacun avec des enfants. Même si la routine installée dans leurs vies les laisse insatisfaits et, par là même – quoique de façon inconsciente au départ – disponibles. C’est cette disponibilité chez l’autre qu’ils ressentent.
Et, dans ces lieux familiers, Lean filme le grain de sable qui s’immisce, qui s'amplifie et qui emporte tout. Jusqu’au vertige absolu. Vertige filmé par des plans débullés qui viennent accompagner Laura titubante au bord du quai.
Célia Johnson Brève rencontre David Lean Trévor Howard

L’interprétation des deux acteurs est remarquable, tout en retenue. Celia Johnson, avec ses grands yeux perdus et tristes, est bouleversante. La musique puissante de Rachmaninov, très utilisée, vient exhausser les ressentis des personnages. Et le drame confine au tragique avant d'acter la rupture et de permettre à la vie de reprendre son cours normal (avec l’intervention finale du mari de Laura).
Il est difficile de ne pas penser à La Fille de Ryan qui traite aussi d'un coup de foudre, interdit lui aussi mais pour des raisons plus complexes encore. En effet le coup de foudre immédiat entre Rosy et l’officier y est traité de façon complètement lyrique – lyrisme absent dans Brève rencontre. C’est intéressant de penser que Lean, qui a déjà consacré tout un film à traiter de la naissance de l'amour et de son surgissement lent, le reprend dans La Fille de Ryan en une seule séquence et choisit de le poser d’emblée, comme quelque chose d’insubmersible, avec une attirance indiscutée et inexorable entre Rosy et le major.
Récemment, C. Eastwood, dans Sur la route de Madison, sans reprendre la trame de Brève rencontre, en reprend le thème : une simple rencontre où, peu à peu, tout se joue.

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