lundi 23 octobre 2017

César et Rosalie (C. Sautet, 1972)




Beau film de Claude Sautet qui propose une variation sur le thème du triangle amoureux. L'interprétation est un des points forts du film, avec Yves Montand, Sami Frey et Romy Schneider tous les trois parfaits. Sautet parvient à les utiliser pour épaissir et faire exister sous nos yeux ces personnages déchirés, hésitants, qui s’accrochent comme ils peuvent à ce qu’ils peuvent. C’est que César et David aiment Rosalie, mais chacun à sa façon : l’un sanguin, possessif, rendu fou par l’absence ; l’autre discret, distant et qui s’efface. Et Rosalie, au milieu, hésite et ne tranche pas.
Le film est enrichi par un regard social avec les deux prétendants qui sont aux antipodes l'un de l'autre : l’un parvenu, macho, qui s’anime autour de parties de poker, l’autre intellectuel, artiste (et qui se moque d’ailleurs, avec ses amis, de cet alter ego rustique). Le Goût des autres reprendra cette distinction, mais en forçant le trait terriblement, jusqu’à ce qu’il constitue l’essentiel du ressort scénaristique.


Cela dit, malgré la qualité de Sautet, très attentif à ce qui attache ou sépare les individus, et malgré le charme du trio d’acteurs, le personnage de Rosalie pose problème. Sa revendication de liberté reste en effet très égoïste : toute à ses hésitations, elle se définit comme libre par rapport à César (libre de partir, de passer une nuit avec David, etc.). Il est bien évident que Rosalie a une responsabilité vis à vis de César, en ce sens qu’elle ne peut s’affranchir aussi facilement d’Autrui : quand bien même César est maladroit, quand bien même il ment pour la garder auprès de lui, quand bien même il a des crises de colère, elle ne peut le balayer d’un revers de main, au seul prétexte qu’elle est libre. Elle est engagée, quoi qu’elle en pense. Rosalie devrait relire Lévinas, quand il parle de l’autre de la relation amoureuse et de que cet autre, qui est l’altérité par excellence, vous « demande ». Lévinas, dans Éthique et infini, explique : « l’autre me demande comme quand on demande quelqu’un qu’on commande, comme quand on dit « on vous demande ». De cette demande de l’autre amoureux, naît une responsabilité. En s’accrochant à sa liberté (liberté de ne pas choisir entre César et David), Rosalie est tout à fait irresponsable. Pourtant cette responsabilité  dépasse (et de très loin) cette volonté de liberté qui s’exonère un peu facilement d’Autrui. C’est ainsi que le personnage de Rosalie, au-delà de ses deux hommes entre lesquels elle hésite constamment, apparaît comme totalement fictionnel, symbolique, presque, de la revendication de liberté des femmes, et au bout du compte bien peu réaliste. Dans un film qui se veut une dissection attentive des rapports humains, cela pose problème.


Le film, enfin, a le petit côté ménage à trois de Jules et Jim (l’aspect morbide en moins) et on s’amusera des points communs avec Préparez vos mouchoirs, où, là aussi, un duo mari/amant tourne en rond en tous sens pour combler la femme. Chez Blier, évidemment, les rapports humains sont passés au vitriol et les solutions proposées sont pour le moins provocantes.


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