mardi 13 septembre 2016

Le Goût des autres (A. Jaoui, 2000)




Film intéressant non pas directement pour ce qu'il est, mais parce qu'il représente une tendance du cinéma français : il met en scène une société découpée avec application en classes sociales et que rien ne vient perturber, suivant en cela une vision bourdieusienne caricaturale (1).
On y trouve donc un catalogue de personnages – bien campés par ailleurs – qui représentent l'image typique de la société. On a donc le patron parvenu, inculte et sans goût (ne parlons pas de sa femme, réduite à une idiote superficielle), le chauffeur et le garde-du-corps représentent la classe populaire (ils sont eux aussi incultes et sans goût et engoncés dans leur petite vie sans intérêt) et les artistes, sans le sou, homosexuels, mais qui, eux, possèdent et le goût et la culture et dédaignent le patron (bien plus que lui ne les dédaigne d’ailleurs).
On a donc, présentée à l'écran, une image de la société – et non pas la société elle-même –, telle qu'elle est présentée et montrée communément par toutes sortes de médias. Et voilà la société figée dans cette représentation.
Le film entérine donc une certaine vision de la société au lieu de chercher à la transcender (2). Dès lors on est bien loin d'un véritable travail créatif (et l'on est bien plus proche d'un simple travail récitatif).
Cette application à représenter les choses de façon si figée est un peu regrettable, car il y a un ensemble de personnages qu'Agnès Jaoui parvient à bien faire vivre sous nos yeux. La romance qui est le cœur de l’histoire et qui permet de relier ces différentes catégories sociales si pesamment définies apparaît donc bien pâle, alors qu’elle avait un ton plaisant, entre douceur et humour.



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(1) : Ce film a, notamment, été utilisé dans plusieurs articles sur Pierre Bourdieu pour exprimer, par l'exemple, les catégories sociales chères au sociologue (les dominants, les héritiers, etc.) et les idées d’habitus ou de capital culturel. Cela montre bien la caricature un peu vaine qui structure le film.

(2) : On est loin, en tous cas, de la réalité sociale, beaucoup plus nuancée. On sait, pour ne citer que quelques exemples, que beaucoup de gens fortunés, dont de nombreux patrons, sont des amateurs d'art – et à des fins de collection, non de spéculations. On sait aussi que l'opéra ou la musique classique trouve la majorité de ses amateurs chez les CSP+ – qui sont pourtant décrits ici aux antipodes du bon goût et de la culture. On sait enfin que beaucoup d'artistes exploitent des filons « artistiques » très rémunérateurs et, par là-même, bien peu créatifs (et seraient ravis de bénéficier un peu de spéculation sur le marché de l’art). On voit bien qu'un film qui chercherait à faire éclater un peu les représentations habituelles de la société aurait bien des choses à raconter.


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