vendredi 13 décembre 2013

Massacre à la tronçonneuse (The Texas Chain Saw Massacre de T. Hooper, 1974)




Le très célèbre Massacre à la tronçonneuse est un énorme pavé dans la mare du cinéma américain, lancé avec violence par Tobe Hooper en 1974. C’est que Hooper n’hésite pas : à la fois il développe un scénario simple, et, surtout, il ne cache rien et ne se donne aucune limite. Très symboliquement, après la première apparition du tueur masqué, celui-ci tire une terrible porte de métal derrière lui. Mais Hooper franchira cette porte et il dévoilera ce qui se trouve derrière, dans l’arrière-cuisine, infernale chambre de l’horreur. Certaines scènes sont encore aujourd’hui à la limite de l’insoutenable (on imagine les réactions lors de sa sortie).
Et pourtant Hooper, par un cadrage intelligent ne montre pas tant qu’il suggère, on voit peu de lames ou de chaînes pénétrer ou trancher la chair. Rien à voir avec des barbouillages ou des gros plans que les rejetons du film se plairont à répandre. L’horreur suggestive va bien au-delà de simples scènes qui montrent la violence : elle est dans la crudité presque documentaire, dans l’image poisseuse, dans les jeux de sons effrayants et dans les délires épouvantables de la famille qui se referme entièrement sur Sally, qui croyait pouvoir s’échapper.
Et, violence supplémentaire du récit, Hooper ne donnera rien pour expliquer, apaiser, résoudre l’énorme monstruosité qu’il décrit. La bande d’amis est déchiquetée par une famille folle et voilà tout.

On notera la parodie qui, paradoxalement, n’est jamais très loin. Par exemple le repas « en famille », tout à fait monstrueux, qui est comme une nouvelle version de Freaks, et qui est un sommet d’horreur. Parodie encore quand Sally, épouvantée et hystérique, est poursuivie par Leatherface qui brandit sa tronçonneuse pétaradante. On se croirait dans un cartoon.

Le film propose une nouvelle version de la confrontation à la Frontière. Il est encore des endroits, nous montre Hooper, qui échappent à la civilisation : cette maison ancrée au milieu de nulle part est un territoire encore vierge. Et ce ne sont pas des serpents à sonnettes qui sont à craindre, ni des Indiens hurlants comme dans les westerns des années 40, mais des détraqués ultraviolents et cannibales. L’aspect familial de la tuerie rajoute à la violence : ce n’est pas un loup solitaire, ce sont des psychopathes congénitaux.
Le film, d’ailleurs, a tout d’un western dégénéré, de par son ambiance, son décor, ce mélange avec la nature et cette psychédélie chamanique délirante (les plumes éparses, les peaux qui sèchent, les ossements partout). Sally est une nouvelle Prisonnière du désert, sans personne pour la sauver et la ramener à la maison.
On sent parfaitement combien dans cet endroit, dans cette maison, un mal inouï rode, comme une radioactivité que rien ne peut effacer. Il n’est pas question d’expliquer le Mal, ni de l’éradiquer. Il n’y a pas de voiture de police opportune qui, telle la cavalerie, viendrait sauver in extremis la jeune fille. Il n’y a rien d’autre à faire que fuir, si l’on y parvient.
A la fin du film le danger est toujours le même, le territoire toujours pareillement envahi par ces monstres qui continueront de déchiqueter les malheureux qui s’y aventureront.



Le film, évidemment, par son impact, lance le slasher movie, en mettant en place tous les éléments du genre. Genre qui aura une descendance innombrable : derrière quelques films d’intérêt (de Wes Craven ou John Carpenter), on ne compte plus les films qui procèdent du même ressort et qui étaleront leurs petites boucheries sans apporter la moindre mini-réflexion ou le moindre mini-enrichissement au genre.

Dans un tout autre genre, Délivrance procède d’une même approche en parcourant aussi une zone qui échappe à la civilisation. Et il propose une réflexion très intéressante sur ce rapport civilisation/territoire vierge.

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