lundi 28 octobre 2013

Le Samouraï (J. P. Melville, 1967)




Avec Le Samouraï, Jean-Pierre Melville atteint un point culminant de sa manière de filmer : il a créé son propre univers, en associant des images issues du polar noir américain (le personnage en imperméable, chapeau et gants) avec des images géométriques, vides, froides, comme abstraites. C’est cette association, complètement anachronique (en 1967 personne ne se promène dans les rues de Paris affublé comme Delon), qui donne au style Melville toute sa puissance. Emmenant au bout les principes qu’il ébauche depuis Le Doulos, et en élevant chacun des motifs qui le caractérisent au rang de totem, Melville arrive à mélanger une approche réaliste (les lieux précis de Paris) avec une géométrie radicale et quasi abstraite. Il semble bien que Melville ne pourra pas pousser au-delà son système de représentation emmené ici jusqu’à l’épure (il parviendra, non pas à aller plus loin encore dans la radicalité abstraite de son système, mais à en offrir une variation sublime dans Le Cercle rouge).



Derrière le style, le système de Melville est en place : il s’agit de professionnels (tueurs ici, braqueurs ou flics ailleurs), d’amitié et de trahisons, mais aussi de solitude, de vies creuses et déjà achevées.
Jef Costello, le samouraï, campé par un Delon magnétique au jeu minimaliste, n’est plus qu’une silhouette détachée du monde réel qui l’entoure et dont la substance disparaît derrière les signes extérieurs de genre. Il est un avatar de ces films noirs des années 40 ou 50, transformé par l’imaginaire de Melville et transposé dans un univers qui n’est pas le sien.



L’impact de ce film est immense aujourd’hui encore et participe à la légende de Melville : de Tarantino (Reservoir Dogs) à Mickael Mann (Heat, Collateral) en passant par Jarmusch (Ghost Dog) ou encore John Woo (The Killer) ou Scorsese, on ne compte plus les réalisateurs qui revendiquent la filiation avec le maître français.

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