mercredi 10 avril 2013

Le Caméraman (The Cameraman de B. Keaton, 1928)




Dernier film de Buster Keaton et très grand chef-d’œuvre, Le Caméraman, en plus d’un humour permanent, d’une maîtrise stupéfiante et d’une vivacité réjouissante, s’amuse à mettre en abyme le cinéma. Le film devient alors une métaphore du cinéma.
Le personnage, d’abord armé d’un simple appareil photo, va le troquer, pour les yeux de la belle, contre une caméra. Et, progressivement, au gré des événements qu’il filme, emporté par les circonstances, il va réinventer le cinéma : les surimpressions, les travellings, les changements d’angle deviennent les fruits féconds de maladresses ou de hasards.
L’extraordinaire habileté de Keaton à utiliser son corps en le confrontant aux objets, aux éléments ou à la matière donne ici encore, comme dans tant d’autres longs métrages, à la fois un effet comique et un effet de funambule qui flirte avec le vide avec une assurance impassible. On mesure combien cet art du comique est différent de celui de Chaplin (ce dernier s’ouvrant à la petite forme de l’image-action, quand Keaton tient de la grande forme).



On notera aussi que le caméraman, dans le film, parcourt la ville tous azimuts pour décrocher un scoop à revendre aux journaux en mal de sensations. La critique des médias avides de sensationnel, si elle est permanente au cours de l’histoire du cinéma, à travers d’excellents films (Le Gouffre aux chimères de B. Wilder ou même Network de S. Lumet) ou de beaucoup plus quelconques (le récent Night Call de D. Gilroy), est donc un thème déjà abordé en 1928.
On aura bien du mal à croire, alors, que ces médias prêts à tout pour un scoop sont le produit de la société de consommation télévisuelle issue de la seconde moitié du vingtième siècle. Le Caméraman nous rappelle ainsi que certaines tares de la société actuelle ne sont pas si récentes que ça et que ces dérives sont peut-être consubstantielles au média lui-même, bien plus qu’à la société.

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