samedi 22 décembre 2012

La Vie est belle (La vita è bella de R. Benigni, 1997)





Beau film de Roberto Benigni, très touchant et surtout très osé, puisqu’il aborde la Shoah non seulement par une fiction – ce qui, en soi, est déjà une prise de position forte (1) –, mais, qui plus est, il l’aborde par le biais de la comédie.
Si le titre en lui-même est déjà une provocation, le film s’articule ensuite en deux parties, la première plutôt gaie et légère, avant que le fascisme n’écrase tout. Benigni le tourne d’abord en dérision (jouant sur un registre parfois burlesque, évoquant même Le Dictateur par moments) avant de changer de registre, passant de la dérision à l’humour noir, devant la force des choses.
Et si la fiction est une relecture des choses, la fable proposée par Benigni ne laisse aucun doute : il ne cherche pas la véracité (comme peut le faire un documentaire), il choisit précisément ce qu’il met dans le cadre et ce qu’il laisse hors-champ.
La question de l’humour devient de plus en plus complexe à partir de l’arrivée dans le camp : une approche humoristique est-elle possible dans un tel lieu ? Comment rire dans un camp de concentration ? Pour Benigni l’humour est la seule approche capable de supporter la tragédie : sa fable s’achève dans le camp de concentration, où c’est l’humour qui permet à Guido de préserver son fils de l’horreur, ce jusqu’à la fin (il continue de faire rire jusqu’à sa mort). L’humour, alors, apparaît comme une ultime défense. On se souvient que Primo Lévi, en ouvrant Si c’est un homme par un poème, proposait un autre rempart, un autre recul, une autre manifestation d’humanité pour se défendre contre l’horreur.


Mais on mesure à quel point le média cinéma est particulier, puisque des œuvres littéraires ou même la bande dessinée (on pense à Maus de A. Spiegelman ou à L’Histoire des 3 Adolf de O. Tezuka) n’ont pas du tout la même résonance et n’ont d’ailleurs pas fait (ou ne font plus actuellement) l’objet de tels débats.
Pourtant il semble bien que la fiction doive venir prendre le relais des documents d’archives et des témoignages des survivants (dont le nombre, inéluctablement, diminue sans cesse). C’est à travers elle, sans doute, désormais, que la mémoire se fera.



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(1) : On sait que C. Lanzmann, interviewé à propos de Shoah, considérait que la fiction était un « mensonge fondamental », un « crime moral », un « assassinat de la mémoire ».

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