jeudi 29 mars 2018

Les Harmonies Werckmeister (Werckmeister harmóniák de B. Tarr, 2001)




Par son style incroyable – à bien des égards unique – et ses choix techniques radicaux (le film est construit en trente-neuf plans-séquences, la plupart très longs et très lents), Bela Tarr happe immédiatement le spectateur : on entre dans son film comme on pénètre une cathédrale inconnue.
Après une première séquence qui relie, de façon étrange et virtuose, le destin du village avec la cosmogonie la plus large (le soleil et les planètes en orbite), le récit emporte progressivement Janos, et le village avec lui, dans un étrange chaos, reflet d’une guerre venue d’on ne sait où (et dictée par le mystérieux prince), qui déchire et massacre à tout va.



La virtuosité des plans n’est pas une démonstration technique (bien qu’elle soit effectivement une performance technique), elle est une immersion, progressive dans un univers. Certains plans sont somptueux : les uns très simples (la lente arrivée – hypnotique – du tracteur dans la ville), d’autres complexes (les scènes de foule). La caméra vole doucement, comme en apesanteur ou en lévitation, autour de ses personnages laissés à eux-mêmes dans le plan, parcourant le décor ou se lançant dans de longs monologues. Ainsi le musicologue Ezster, oncle de Janos, qui disserte sur la pureté de la musique et sur l’erreur d’avoir laissé à Werckmeister le soin de subdiviser l’harmonique en unités égales qui ne signifient plus rien.
Et, au-delà du village, des villageois, de Janos – rendu fou –, ce sont les harmonies infinies du monde qui devront plier : l’oncle qui ne jurait que par l’harmonie pure et infinie devra de nouveau accorder son piano selon les théories de Werckmeister… De même que la baleine, monstre inouï venu de l’océan infini, est laissée à pourrir sur place.




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