samedi 27 janvier 2018

Tous les matins du monde (A. Corneau, 1991)




Très beau film d’Alain Corneau, dans un registre surprenant (on est bien loin du regard acide et désenchanté de Série noire). Hymne à la musique, au baroque, à l’intériorité du monde, le film déborde la simple rivalité entre le maître et son disciple et consacre l’expression par la musique au-dessus de tout. Le misanthrope Monsieur de Sainte-Colombe ne s’exprime que par sa viole de gambe, enfermé dans sa cabane au fond du jardin, où il converse avec sa femme morte, la revoit, fantomatique, passer devant lui et il dit sa peine, sans cesse, l’archer en main. Et l’épaisseur de sa vie tient aux cordes de sa viole. Corneau s’attarde sans hésitation sur ces longs moments où Jean-Pierre Marielle (qui tient là sans doute son plus beau rôle), penché sur sa viole, dit sa mélancolie infinie. Il ne coupe jamais un morceau, étire chaque séquence, et l’on comprend que le rôle principal n’est ni pour Marielle ni pour Depardieu, mais il est offert à la musique, impalpable et omniprésente. Le film, alors, touche par moment la grâce, au travers de longs plans séquences filmés, la caméra restant fixe ou se déplaçant très lentement.
Et, si la photographie est magnifique, on retient du film, au-delà des images qu’il contient, ce son grave, lent et sombre de la viole qui anime Monsieur de Sainte-Colombe.



Alain Corneau, ensuite, construit parfaitement son film, jouant sur des flash-backs, sur des personnages qui se construisent au fur et à mesure qu’ils vieillissent, sur des oppositions entre la cour de Versailles et la rudesse austère du monde de Sainte-Colombe.

Le sujet était ardu. Pourtant, filmé sans aucune concession, le réalisateur n'a transigé vers aucune facilité commerciale, contribuant même à populariser la musique baroque du XVIIème et la viole de gambe de Jordi Savall : on ne peut que se réjouir du grand succès en salle du film qui fit plus de deux millions d'entrées.


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