lundi 29 janvier 2018

Le Prince de New York (Prince of the City de S. Lumet, 1981)




Excellent film de Sidney Lumet, qui aborde avec beaucoup d’intelligence le problème de la justice, de l’honnêteté, de la trahison et de ses conséquences. Il s'agit peut-être du meilleur film de Lumet, l'un de ses plus aboutis en tout cas, avec un récit foisonnant et passionnant : il entrecroise de nombreux personnages et navigue entre les procureurs, les soirées entre amis, les rues pleines de junkies et les combines des mafieux.
Danny Cellio (très bon Treat Williams, dans un rôle difficile), flic à la brigade des stup, se met à balancer ses collègues auprès de la police des polices. Il se repent donc des arrangements, des bidouillages internes, des acoquinements avec la mafia locale ou avec des junkies qu’il faut amadouer pour qu’ils servent d’indic.



Et pour dénoncer le système, il porte des micros, piège ses collègues. Il fait donc œuvre de chevalier blanc et le procureur applaudit. Mais Lumet ne s’arrête pas là et complexifie son propos en décrivant les conséquences de ces actes : si Cellio se retrouve droit dans ses bottes, il trahit alors ses plus proches amis, ceux-là même à qui il avait juré de rester fidèle. La justice vient donc flirter avec la trahison. Et, parmi ses collègues qui voient le ciel leur tomber sur la tête, l’un d’eux, plus fragile, se suicide. Cellio n’est-il pas responsable de cette mort ? Il le vit ainsi et ses amis aussi.
C’est là tout l’intérêt du film que de porter cette question de la justice dans un quotidien et de la confronter avec la réalité. Puisque Cellio est un traître, il mérite certainement une part de mépris de la part de ses amis les plus proches. Et le système lui renvoie cette image puisqu’il est banni (non pas administrativement mais humainement) et il devient un archétype du traître. À avoir balancé ses collègues pour revenir dans le droit chemin de la justice, Cellio a tout perdu et il est humainement détruit.



Lumet, très intelligemment, ne se prononce pas réellement sur son personnage. Il choisit un acteur méconnu qui ne provoque pas immédiatement une sympathie de la part du spectateur (l’acteur avait été Al Pacino – souvent choisi par Lumet – le rapport au personnage en eût été changé), et on hésite très longtemps sur le comportement de Cellio. Le personnage a une part d'arrogance, il est colérique, sûr de lui par moment, fort avec les faibles et faible avec les forts. Et porter des micros pour piéger ses amis n’est-ce pas moralement condamnable ?
La réponse de Lumet, telle qu’elle est exprimée dans le film, est qu’on ne peut être totalement juste, qu’une belle police propre sur elle n’est qu’une idée déconnectée des réalités de terrain et qu’il faut admettre une part d’arrangement et de bidouillage. On le voit, la conception de la justice, beaucoup travaillée par le réalisateur film après film, a beaucoup évolué depuis Douze hommes en colère (où les choses étaient claires) et même depuis Serpico. Ici le principe de réalité prend le dessus et le procureur a certainement raison d’absoudre Cellio malgré les mille et un écarts faits à la loi. Et le paradoxe apparaît en pleine lumière : appliquer la loi demande aussi, certainement, d’accepter de devoir faire des entorses à la loi.

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