mercredi 11 octobre 2017

Les Choses de la vie (C. Sautet, 1970)




Très beau film de Claude Sautet qui parvient à filmer ce qui se cache derrière le front plissé d’un homme, à explorer ce qui s’y joue. Très intelligemment construit en flash-back après un accident, alors que Pierre gît sur la pelouse, agonisant, on plonge, à rebours, dans le creux de ses souvenirs, partagés entre la mère de son fils, dont il est séparé mais à propos de laquelle de doux souvenirs remontent, et sa nouvelle compagne, si aimante.
L’interprétation est hors de pair : Michel Piccoli est parfait dans ce rôle où il intériorise tant (rôle qu’il saura maintes fois endosser au cinéma dans de multiples variations) quand Romy Schneider et Léa Massari, au contraire, sont si expansives et si émotionnellement lisibles.



La construction brillante alterne des moments de l’accident avec les souvenirs épars de Pierre. On notera l’excellente utilisation du ralenti (choix esthétique aujourd’hui dévoyé). Le puzzle de la vie de Pierre se reconstitue progressivement, mais, toujours, cet accident, qui revient sans cesse, vient briser tout espoir : chaque erreur, chaque moment où Pierre a des regrets est entériné et ne pourra être réparé. Les choses sont et rien n’est modifiable.
Le flash-back se boucle de façon extraordinaire, puisque Sautet parvient à se rapprocher de plus en plus des pensées de Pierre, qui gît sur le sol, avec cette voix off qui ralentit et les images mentales (le banquet final) qui l’animent et succèdent à ses souvenirs.
On notera comment Pierre, au fur et à mesure qu'il plonge dans ses souvenirs et qu'il s'approche de la mort, fait se rejoindre les deux femmes de sa vie : en même temps qu'il veut déchirer la lettre de rupture à Hélène (ce que fera Catherine) pour ne pas être seul, défilent sous ses yeux des moment à l'île de Ré avec Catherine. Au moment de mourir, il n'a pas eu à trancher, il est avec les deux. Et, beau jeu scénaristique, dans le même temps, alors que Pierre meurt, chacune est persuadée que Pierre est à elle : Hélène qui vient de recevoir le message de Pierre lui enjoignant de la retrouver et Catherine qui découvre la lettre de rupture destinée à Hélène que, dans un beau geste, elle déchire. Ce final poignant et très beau clôt parfaitement un film où Sautet a su rester sur la corde raide de l'indécision : c'est bien là ce qui se passe au fond du cœur de Pierre, qui alors qu'il conduit, s'attriste, quitte Hélène et se réconcilie, repense à sa vie, au fil des kilomètres, avant l'accident fatal.
Il en ressort une vie emplie de regrets, teintée d’une amertume de ne pouvoir rien changer, de ne pouvoir trancher (Sautet disait que son film raconte l'histoire d'un homme satisfait de mourir, parce que cela lui évite d'avoir à faire un choix), et il en ressort que les choses de la vie, justement, ne sont pas si simples.




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