mercredi 18 janvier 2017

Les genres au cinéma : le cas du cinéma français



Très intéressant article de René Prédal (Le cinéma français et les genres, in CinémAction N° 68, 1993) qui explique pourquoi le cinéma français a toujours été rétif au cinéma de genre (par opposition au cinéma américain), hormis pour deux genres qu’il affectionne, le comique et le policier.
Pour le reste, Prédal est très clair :

« Si le cinéma français ne s’appuie nullement sur les genres, c’est parce qu’il a de tout temps pris une autre direction que l’on peut nommer « film psychologique » jusqu’aux années 50 puis « cinéma d’auteur » à partir de la Nouvelle Vague. De fait, les deux courants sont plus successifs que parallèles et certainement pas antagonistes. Tant qu’il n’est pas de mode pour l’auteur de s’exprimer ouvertement, l’accent est mis sur les personnages (les films de Carné-Prévert). Lorsque la Nouvelle Vague ambitionne d’écrire un film comme un roman, on retient davantage le regard porté sur les protagonistes (les films de Truffaut) mais les situations, les intrigues, les lieux mis en scène restent à peu près les mêmes. Dialogues et comédiens constituent toujours les éléments fondamentaux de ce type d’œuvre qui incarne le « film français typique » aussi bien à l’intérieur de l’hexagone que dans les festivals étrangers.
On pourrait considérer ce genre national comme l’archétype du « genre cinématographique » parce qu’il présente des caractères propres très marqués (intimisme, accent mis sur la parole et l’analyse des sentiments…), mais il nous semble plutôt constituer au contraire sa négation dans la mesure où il est inversement susceptible de toutes les adaptations, annexions, trahisons ou transformations possibles et imaginables. Héritier d’une authentique tradition culturelle nationale venue du théâtre et du roman, support idéal des petits budgets bien adaptés aux possibilités françaises de financement et tout proche du téléfilm à huis clos qu’il deviendra forcément au bout de quelques mois, le film psychologique flirte en effet avec tous les genres sans tomber vraiment dans aucun. […]
L’auteur français ne s’exprime en toute liberté qu’à travers le film psychologique. C’est là qu’il est à l’aise, qu’il obtient spontanément la confiance des décideurs comme de la critique et du public.
[…]
Nous voulions de toute manière faire seulement une constatation : le cinéma français ignore dans sa majeure partie la loi des genres parce que ce type de cinéma ne correspond ni à son passé culturel (le musical aux États-Unis est un spectacle de scène très populaire avant d’être un genre cinématographique : ce n’est pas le cas chez nous. Quant au « cinéma américain par excellence », à savoir le western, il ne correspond évidemment à rien dans l’hexagone !), ni à ses possibilités financières (le genre est spectaculaire : décors, figuration, costumes), ni à sa tournure d’esprit française (le pays de Descartes et Molière). »


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