samedi 24 décembre 2016

La grande syntagmatique de C. Metz




Cherchant à étudier la structure narrative d’un film (c’est-à-dire l’ordonnancement des grandes unités d’un film), Christian Metz a proposé (dans ses Essais sur la signification du cinéma, 1968) une typologie des différentes séquences narratives au cinéma. Un peu comme une grammaire du cinéma si l’on veut (si ce n’est qu’une telle grammaire n’est pas normative comme pour une langue, mais qu'elle est uniquement analytique et constatée).
Bien sûr le travail de Metz est à la fois incomplet, imprécis et peu aisé à utiliser (il le reconnaît lui-même), mais, pour l’amateur, il reste un canevas de base utile qui permet d’organiser les réflexions.

1. C. Metz distingue tout d’abord la scène, qui constitue une unité, ressentie comme « concrète » et qui est analogue, nous dit-il, à ce que nous offre la vie ou le théâtre (un lieu, un moment, une petite action particulière et ramassée). S’il y a des coupures (successions de plusieurs plans), ce sont des coupures de caméra mais non diégétiques.

2. Vient ensuite la séquence, qui est pour Metz une unité plus complexe où l’action « saute » des moments inutiles (les moments sautés sont sans importance pour l’histoire) et sur lesquels le réalisateur passe. Contrairement à la scène il n’y a donc plus de coïncidence entre temps filmique et temps diégétique.
On peut, à loisir, distinguer la séquence ordinaire (avec des ellipses sur le banal d’une action qui est supprimé) ou la séquence à épisodes (où certains épisodes de l’action sont supprimés, suivant un choix narratif du réalisateur).

Ensuite, C. Metz précise : on a affaire à une suite de plans qui marchent ensemble, qui réagissent les uns sur les autres. Il les appelle des syntagmes.
Il distingue alors différents types de syntagmes. Avec tout d’abord les syntagmes non chronologiques :

3. Il décrit alors le syntagme parallèle, où, au montage, alternent des motifs qui reviennent par alternance. Par exemple : scènes de vie des riches/scènes de vie des pauvres ; images de calme/images d’agitation. Ces images ne sont pas prises dans une même action.

4. le syntagme en accolade : on voit plusieurs exemples indépendants d’un même motif (Metz parle de signifiants redondants). Par exemple le froid, exprimé par des images successives qui sont autant d’allusions illustrant le froid.

Viennent ensuite les syntagmes chronologiques. Là il distingue :

5. Le syntagme de simultanéité : c’est le syntagme descriptif, où l’on voit une suite d’images qui décrivent un lieu. Par exemple : une maison et son jardin, qui coexistent. Metz prend aussi l’exemple d’un troupeau de moutons en marche : vues des moutons, du berger, du chien, etc.

6. le syntagme alterné qui définit des consécutions (et donc bien une chronologie) : images de poursuivants/images des poursuivis ; deux joueurs de tennis où chacun est cadré au moment où la balle est à lui, etc. L’action est commune d’une image à l’autre (à la différence du syntagme parallèle) et le syntagme maintient donc rapprochés différents rameaux de la narration.

7. Il dissocie enfin les plans autonomes (les gros plans, les inserts) qui sont constitués d’un plan unique. Cette catégorie est, de son propre aveu, un peu fourre-tout.
On remarquera que, pour Metz, le plan-séquence est à ranger dans les scènes plus que dans les plans autonomes.


Sa typologie est intéressante principalement pour le cinéma narratif, autrement dit pour les films dont les segments ont entre eux une relation de type temporel (succession chronologique ou simultanéité) ou de type causal (tel élément est une cause, tel autre en est une conséquence, etc.).
Mais, dès que le cinéma n’est plus réellement narratif (cinéma à propos duquel A. Robbe-Grillet a inventé opportunément le terme de dysnarratif), cette typologie n’est plus guère pertinente ou, à tout le moins, très incomplète.


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