vendredi 4 novembre 2016

La piel que habito (P. Almodovar, 2011)




Remarquable film de Pedro Almodovar qui parvient, avec brio, à passer d'un thème à l'autre et, même, d'un genre à l'autre. Cette réussite met en avant ses qualités de conteur proprement exceptionnelles. En effet il parvient ici à mélanger tour à tour, le film fantastique, le film de vengeance, le film de séquestration, le mélodrame, pour se clore en film noir. Ce mélange passe facilement pour le spectateur qui s'attache d'abord à Robert, avant de comprendre ce qui s'est réellement passé et de s'attacher à Véra/Vicente. Cette facilité pour le spectateur de suivre les méandres de l'histoire proposée et de passer, ainsi, d'un personnage à l'autre est stupéfiante.
Sans qu'il y ait de référence explicite à des films (ce qui est le cas habituellement chez Almodovar), on pense évidemment aux Yeux sans visage de Franju où un père essaye, là aussi, de reconstruire un visage, de même qu'à Vertigo puisque Robert façonne Vincent à l'image de sa femme décédée.
Mais ici plusieurs thèmes viennent s'entremêler. On retrouve la question classique chez Almodovar de l'inversion des sexes, mais teintée de noirceur avec la double vengeance qui s'y exprime (celle de Robert sur Vincent, puis celle de Vincent/Véra sur Robert). A cette double vengeance, révélée assez tard, Almodovar n'hésite pas à multiplier l'épaisseur de son récit, non pas en multipliant les emboîtements comme dans d’autres de ses films (Tout sur ma mère par exemple) mais en raccordant plusieurs pistes, plusieurs ambiances (une première, froide et technologique, puis d'autres, plus chaudes). L'irruption du lubrique et violent Tigro (dans une séquence qui évoque Kika) déclenche ensuite tout ce qui était condensé, en suspens et que le spectateur ignore encore : les relations filiales, la vengeance de Robert, les deuils impossibles, etc.
Formellement, Almodovar est fidèle à lui-même : il garde son style brillant, plastiquement très riche, visuellement abouti et sûr de lui.


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