dimanche 21 septembre 2014

La Horde sauvage (The Wild Bunch de S. Peckinpah, 1969)




Important western (même s'il est très surcoté), qui marque une étape décisive de l’évolution du genre. En effet, en faisant s’entre-tuer des hors-la-loi, des mercenaires et des Mexicains (le film s’ouvre et se termine par un carnage), Sam Peckinpah dissout dans la violence toute la richesse du western. Exit les réflexions sur la Frontière, sur la constitution de communautés ou sur les premières villes de l’Ouest. Exit l’ancien manichéisme (dépassé depuis longtemps par les westerns des années 50 et 60) et l’héroïsme : il n’y a ici que des brutes sanguinaires. Exit donc les complexités des personnages : on se pose peu de questions (si ce n’est celle, intime, que se pose le spectateur : jusqu’où cette violence ira-t-elle ?). Mais il n’y a rien d'autre, ici, qu’une violence terrible, déballée comme une névrose, à la fois comme un point de départ et comme une solution.
Le film, très influencé par les westerns italiens, en particulier ceux de Sergio Corbucci, célèbres pour leur violence débridée, les dépasse en quelque sorte : ici c’est le western en tant que genre qui semble annihilé par ces massacres.

Peckinpah en  a bien conscience : tout au long du film les personnages sont des morts en marche, qu’il s’agisse de la bande de tueurs de Bishop ou de ceux qui les poursuivent, menés par Thornton. Et les personnages eux-mêmes en ont conscience, notamment lorsque les quatre de la bande, Pike Bishop en tête, vont réclamer aux Mexicains leur camarade : ils savent parfaitement que c’est là le dernier acte, qu’ils ne marcheront plus longtemps, que bientôt les hommes de l’Ouest ne seront plus. Thornton, désabusé, restera longtemps appuyé contre le mur : ce massacre final, monumental bain de sang, ne laisse rien survivre du monde d’avant.


Peckinpah renforce cette impression en s'appuyant sur deux grandes stars vieillissantes, William Holden et Robert Ryan : ils campent parfaitement des personnages d’un autre temps, dépassés par la violence qu’ils ont contribué à déclencher, incapables de faire autrement.

Deke Thornton (Robert Ryan) lucide et désabusé
Le film est évidemment célèbre pour plusieurs séquences de massacre : c’est là l’apothéose du style de Peckinpah, à propos duquel on parle pompeusement de « stylisation de la violence ». Peckinpah filme les impacts de sang qui éclatent sur des corps qui se tordent sur eux-mêmes. Il est bien difficile aujourd’hui de regarder ces images en se replaçant dans un contexte innovant : cette manière de filmer la violence est devenue un des grands poncifs des films d’action. Ici Peckinpah innove, invente et, dans le même temps, parvient à l’outrance : la séquence finale est un déluge de feu et de sang, qui se déclenche sur un jeu de regards (le massacre aurait pu – aurait dû – ne pas avoir lieu) et qui n’épargne personne.
On voit bien à quelle outrance aboutit la disparition du code Hays et le prétexte de styliser la violence : c’est un déluge de sang qui est capté par la caméra. Dans ce sens La Horde sauvage ouvre une nouvelle voie dans le cinéma d’action : celle des déferlements de violence et des barbouillages de sang. Cette voie – outrancière et qui a bien du mal à parvenir quelque part – sera malheureusement empruntée par de nombreux réalisateurs.

Pike Bishop (William Holden) dans la séquence finale

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