samedi 18 juin 2016

38 témoins (L. Belvaux, 2012)





Une femme est assassinée dans une rue du Havre en pleine nuit. La police enquête mais personne n'a rien vu, rien entendu. Mais un dernier témoin ne tient plus : il a entendu les cris de la jeune femme agressée. L'enquête repart et, en fait, il s'avère que, si personne ne l'a avoué, tout le monde a entendu et personne n'a rien fait.
C'est donc un film sur la lâcheté, qui cherche à inciter le spectateur non pas à comprendre pourquoi personne n'a réagi (il est simplement évoqué que les raisons sont multiples, mais là n'est pas ce qui intéresse le réalisateur), mais à juger cette absence de réaction des témoins. C'est d'ailleurs ce que demande le personnage principal quand il explique vouloir être jugé pour ce qu'il n'a pas fait, afin de soulager, tant que faire ce peut, sa conscience.
La reconstitution, en fin de film, est une des séquences les plus réussies, avec les cris de la victime qui vrillent la nuit et l'abattement des témoins. Comment vivre avec ce cri ? La lâcheté, nous dit Lucas Belvaux, implique de devoir vivre avec ce cri.
La ville du Havre – ville de ciment grise et figée, aux rues droites et anonymes – se prête très bien à ce silence lourd du quartier.

Mais il ressort du film un aspect décevant, l'impression qu'il y avait mieux à faire.
Le plus décevant est l'absence de suspense. On sait très vite que Pierre (Yvan Attal) se tait et on comprend tout aussi vite le fin mot de l'histoire. La seule surprise (si l'on peut dire) est l'efficacité de la dernière séquence.
Autre déception, elle aussi directement due au scénario qui cherche à titiller le spectateur, en lui demandant implicitement ce qu'il aurait fait dans la même situation mais en utilisant une situation exceptionnelle (être témoin d'un meurtre). Mais le spectateur, bien au chaud dans son fauteuil, est bien en peine de savoir comment il aurait réagi face à cette situation. Comment le spectateur peut-il intégrer dans sa vie de tous les jours une telle situation. Quel spectateur ne se dit pas qu'il aurait réagit en entendant les cris par exemple en appelant la police ?

L'autre déception vient du jeu des acteurs : Nicole Garcia joue très mal, mais le personnage qu'elle campe est très caricatural, et Yvan Attal – qui est le cœur du film – peine à faire passer, autrement qu'en le disant, les émotions lourdes qui détruisent son personnage. Il nous dit « je suis rongé par le remord », mais on ne le voit pas rongé par le remord. Les personnages secondaires sont tout aussi caricaturaux, depuis les enquêteurs jusqu'au procureur. Il y avait pourtant de quoi faire : le port du Havre, avec le lent ballet des porte-containers et le silence brumeux des docks, la froideur triste des rues de la ville, le ciment omniprésent qui pourrait imprégner les esprits. Mais la réalisation ne sent pas son sujet : on se croirait dans une série télé de second rang. C'est dommage, la lâcheté est un sujet classique qu'il est intéressant de continuer à traiter, surtout en regard de l'endormissement actuel de la société (ce que tente sans doute de dire Belvaux).




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