mardi 3 mai 2016

L'Invasion des profanateurs de sépultures (Invasion of the Body Snatchers de Don Siegel, 1956)




Très bon film, qui est une des principales dates du cinéma de science-fiction des années 50 et qui bénéficie, il faut bien le dire, d'un scénario exceptionnel. Le traitement par Don Siegel est d'autre part très réussi.
Un médecin, le Docteur Miles, est interné dans un hôpital psychiatrique et il raconte son histoire. Dans la petite ville où il officie, il est interpellé par plusieurs patients qui se plaignent de ne pas reconnaître leurs proches (« ma mère n’est plus ma mère »), comme atteints d'une psychose collective. Peu à peu il comprend que les personnes concernées ont disparu et qu’elles ont été remplacées par des copies extra-terrestres. Au fur et à mesure, de plus en plus de personnes sont ainsi remplacées. Bientôt Miles est le dernier de la petite ville à tenter de résister, quand tous les autres habitants sont devenus des êtres dépersonnalisés, sans émotion. Il lutte et s’enfuit en tentant de trouver de l’aide et interpelle les automobilistes (avec l’exclamation célèbre « you’re the next ! »).
Cette idée d'un envahissement par des extra-terrestres qui prennent l'aspect des humains et les remplacent pendant leur sommeil est une métaphore remarquable et très puissante.
D'une part le monstre n’est plus une abominable créature venue de l’espace mais, tout à coup, c’est un voisin ou le conjoint. Cet envahissement discret et difficile à discerner est un élément déclencheur exceptionnel et donne une vigueur nouvelle au monstre, souvent montré comme un autre identifiable et repoussant. Ici l’autre, l’être le plus proche, sa propre mère, est peut-être un monstre (seul Hitchcock ira plus loin dans Psychose : avec Norman Bates, le monstre est une part de soi-même).
D'autre part le film est une habile critique de la société endormie et déshumanisée : les habitants remplacés par leurs copies n’ont plus ni affects, ni sentiments, ni émotions. Cette métaphore est une incitation à se battre contre la routine de la vie de tous les jours qui endort les personnalités. D’ailleurs c’est pendant leur sommeil que les humains sont remplacés par des copies. Acculés, les héros, qui ont compris qu’ils ne devaient pas dormir, prennent des pilules pour résister au sommeil. Le film, d'ailleurs, a failli s'appeler « Sleep no more », ce qui eût été excellent et bien mieux, en tous les cas, que le titre français, tout à fait ridicule (où sont les sépultures prétendument profanées ?). Il aurait aussi dû s'arrêter quelques scènes plus tôt (ce sont les producteurs qui ont imposé une structure en flash-back, qui atténue beaucoup l’angoisse générée par le film), quand Miles hurle à la caméra son désespéré « vous serez le prochain ».

Miles au spectateur : "You're the next !"

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