lundi 30 novembre 2015

Fanny et Alexandre (Fanny och Alexander de I. Bergman, 1982)




Film somme de Bergman, chatoyant, complexe et fascinant.
Fanny et Alexandre s’ouvre et se ferme sur une fête autour d’une multitude de personnages, avec, entre ces deux moments, des naissances, des décès, des désillusions, des espoirs, de la magie, des fantômes et la mort qui rôde, marquant le temps qui passe.
Le réalisateur (qui semble inviter le spectateur à la fête de Noël de la première partie du film) remplit son film de tout ce qui l’a nourri et de tout ce qui a nourri son cinéma. C’est ainsi que de nombreux personnages évoquent la propre famille de Bergman (ainsi Carl, maniaco-dépressif, qui rappelle l’oncle du réalisateur), et, de même, ces fêtes, ces liens complexes avec le théâtre ou encore le rigorisme du pasteur : toutes ces évocations viennent des propres souvenirs du réalisateur.
Bergman épaissit de nombreux personnages qui en sont tous à un moment de leur vie, qui correspondent à une manière de la mener. L’un avance sans une question, un autre se désespère, un autre encore (la grand-mère) regarde avec la nostalgie de l’âge cette famille qui se transforme sous ses yeux.
Mais, au-delà d'une biographie, Bergman dépose dans son film les sensations de l’enfance (on remarquera que, malgré le titre, c’est bien Alexandre qui est au centre du film, le personnage de Fanny n’étant guère travaillé). Le film montre en effet combien l’enfance est écartelée entre des moments de chaleur et de douceur et d’autres moments de dureté et de terreur.

Bergman commence par immerger le spectateur dans un univers chatoyant et familial. C’est un hymne au théâtre, qu’il s’agisse de celui de la famille Ekdahl ou de celui d’Alexandre, théâtre rêvé de l’enfance, sur lequel s’ouvre le film. Et Bergman recrée l’enfance, il en récrée des moments, des sensations fugaces, celles d’une solitude dans la pénombre d’une chambre, celles du rêve face aux marionnettes ou face à la lanterne magique, celles de la chaleur de la famille, celles du cauchemar face aux fantômes qui rôdent ou face au monde glacé de l’évêque. Évêque qui n’aura de cesse de tenter de détruire la part d’enfant d'Alexandre pour le confronter à une réalité violente et rude.


Ce monde de l’enfance court jusqu’à la mort du père d’Alexandre, en pleine répétition de Hamlet. Ensuite sa mère tourne le dos au monde du théâtre pour épouser la vie dure de l’évêque, monde glacial et sans concession. Mais le monde de faux-semblants et de comédie du théâtre vaut tellement mieux que la réalité froide et dure de Vergerus.

Dans cette lutte entre le monde de l’innocence et celui des adultes, Vergerus sera détruit à la fois par la volonté d’Alexandre et par le monde chatoyant de magie d’Izak Jacobi et d’Ismaël, personnage étrange et ambigu, à la frontière entre les mondes (à la frontière du réel et de l’imaginaire, de la bonté et du mal). Mais il restera de Vergerus, comme du père d’Alexandre, un fantôme qui continuera de le hanter, comme la marque indélébile de son impitoyable dureté.


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