dimanche 25 octobre 2015

Les Contes de la lune vague après la pluie (Ugetsu monogatari de K. Mizoguchi, 1953)




Très grand film de Mizoguchi qui, à partir du destin de deux frères, montre comment la guerre apporte son lot de malheur. La guerre est une toile de fond sur laquelle Mizoguchi peint les malheurs nés de l’ambition.
Les deux frères veulent profiter de la guerre pour servir leur ambition : devenir riche pour l’un (et rechercher un idéal féminin), être un samouraï respecté pour l’autre (et rechercher un idéal masculin). Mais le prix de leur réussite est la mort ou le malheur de leurs femmes, qui subissent la faute égoïste de leurs maris respectifs.
La femme, souvent point central du récit chez Mizoguchi, qui n’aspire qu’à un foyer harmonieux, doit ainsi porter le poids du malheur : son aspiration est centrifuge, elle veut regrouper son monde à ses côtés. Au contraire les aspirations des maris sont centripètes, ils veulent partir, aller chercher ce qui fera leur gloire, oubliant leurs foyer et, ce faisant, s’oubliant eux-mêmes. Leur prise de conscience tardive ne les sauvera pas du châtiment : les malheurs se seront abattus sur ces foyers délaissés.
La mise en scène est une perfection : tout en maitrise, souvent en légère contre-plongée, les mouvements de caméra englobent les personnages, accélérant et ralentissant successivement. Certains plans séquences sont éblouissants. Le film montre moins de sérénité que d’autres chefs-d’œuvre du réalisateur : le calme de certaines séquences contraste avec la frénésie et la violence de certaines autres.


Plusieurs séquences introduisent une dimension onirique, depuis la traversée du lac, fantomatique, jusqu’aux scènes où Genjuro rencontre Wakasa, femme idéale fantasmée. Ces scènes contrastent avec le réalisme cru de la guerre, lorsque les soldats violent Ohama ou tuent Miyagi. Ces femmes, héroïnes tragiques typiquement mizoguchiennes, voient malgré tout et même tardivement le triomphe de leurs valeurs.


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