mercredi 29 avril 2015

Le Guépard (Il Gattopardo de L. Visconti, 1963)




Sous une facture classique (on est loin d’Ossessione ou de La Terre tremble qui rattachent Visconti au néo-réalisme, mais dans la lignée de Senso), Visconti filme une fresque majestueuse pour montrer un moment de l’histoire de la Sicile, prise dans le Risorgimento qui aboutira à l’unification de l’Italie, dans la seconde moitié du XIXème siècle. Visconti, le marxiste descendant d’une grande famille d'aristocrates, n’hésite pas à montrer comment les grandes familles aristocratiques n’ont pas hésité à accompagner la révolution, afin de mettre en place un roi et « pour que tout change pour que rien ne change », comme le dit parfaitement la fameuse formule de Lampedusa, répétée plusieurs fois dans le film. Il montre aussi comment la mise en place d’une monarchie constitutionnelle continuera d’exclure le peuple (qui n’avait pas son mot à dire en régime de monarchie absolue et qui ne l’aura toujours pas).
Le Prince Salina, dont l’image est attachée pour l’éternité à Burt Lancaster, est un reflet du passé : il est trop vieux pour aimer et être aimé, il est trop vieux pour se battre pour la Sicile. Il encourage alors les liens entre la vieille aristocratie qu’il représente et la nouvelle bourgeoisie riche qui monte en puissance. Et Salina, vieux lion magnifique, choisit de s’exclure de l’Histoire et reste seul, mais non sans comprendre parfaitement le monde qui l’entoure (« nous étions les guépards, les lions, ceux qui les remplaceront seront les chacals, les hyènes, et tous, tant que nous sommes, guépards, lions chacals ou brebis, nous continuerons à nous prendre pour le sel de la terre »).


Visconti laisse le plus souvent la révolution hors-champ (hors du temps peut-être aussi, tant le monde de Salina, pris dans des couleurs passées et empoussiérées, est une image du passé) et il filme avec une beauté fascinante la mort lente de ce monde que l’actualité dépasse.


La splendeur de la mise en scène de Visconti, avec sa lumière chaude et ses plans-séquences voluptueux, l’ampleur narrative, le casting légendaire (choisir Burt Lancaster semble une évidence qui ne l’était pas à l’époque), des séquences à la beauté époustouflante : tout concourt à un film somptueux et inoubliable.


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