vendredi 13 février 2015

Avatar (J. Cameron, 2009)


Avatar Affiche Poster

Le film a beau être très spectaculaire, on peut avoir du mal à prendre du recul face au manichéisme primaire du scénario. D’un côté les méchants militaires, accoquinés avec le encore-plus-méchant industriel, et de l'autre les gentils Na’vis. D’un côté la méchante civilisation qui abat les arbres sans discernement, de l’autre la Nature harmonieuse qui se défend. Bien entendu il faut dépasser cette réduction ridicule de l’intrigue : très vite on sait très bien où l'on va et l'on n’imagine pas un instant que le vilain colonel ou que l’arriviste représentant des industries vont imposer leur loi. Et puis on connaît Abyss : on sait que, chez Cameron, l’amour et la nature vont gagner.
Alors certes Avatar convoque des ressorts typiques du western (l'avancée des militaires avec le massacre des Na'vis évoque forcément le sort réservé aux Indiens) et le film est bien plus qu'un simple film de scénario, mais on peut malgré tout être surpris de cette incapacité à proposer un scénario un poil plus fin pour un film par ailleurs aussi ambitieux.
C’est un peu dommage tant, évidemment, la richesse de l’image est étonnante : on est submergé par toute cette couleur et cette inventivité numérico-technologique.



Pourtant l’essentiel est ailleurs. En effet Avatar est à regarder non pas comme un film à effet spéciaux ou comme popularisant la 3D (insupportable 3D, on a l’impression de regarder un dessin animé) mais bien plus comme un film de gamers. Le film propose en effet au spectateur, aussi bien qu’au héros Jake Skully, de plonger dans un autre monde, exactement comme face à un jeu vidéo : on choisit un personnage et on va à l’aventure avec lui.
Jake Sully est handicapé, il est coincé sur un fauteuil comme le spectateur et il entre dans un univers virtuel avec son avatar dont il découvre les possibilités au fur et à mesure (il marche, court, puis se bat, communique avec la nature…) et il affronte ensuite des dangers sans cesse plus grands. On a évidemment un parallèle avec les jeux vidéo où le joueur choisit un personnage, subit un entrainement ou une initiation, et doit ensuite affronter des dangers qui croissent palier par palier. Ici Skully (ou plutôt son avatar) doit d’abord dompter un petit dragon et il finira par dompter un grand dragon.
Il y a là une dimension déjà travaillée dans Fenêtre sur cour, où James Stewart, pareillement coincé sur un fauteuil roulant, envoyait Grace Kelly pour agir à sa place. Ici, merveille de la technologie, c’est un autre lui-même qui fait l’action.
On comprend la simplicité du scénario : de même dans bien des jeux vidéo le fil scénaristique est très mince (dans bien des jeux de guerre, par exemple, le manichéisme gentil/méchant est très simple).

Cette dimension de jeux vidéo a été initiée récemment par eXistenZ (et encore avant par Tron mais en 1982 les jeux vidéo n'en étaient qu'à leurs balbutiements, l’effet n’est donc pas du tout le même) qui joue à perdre peu à peu le spectateur ; et on la retrouve de façon encore plus nette dans Edge of tomorrow qui fait un parallèle assumé avec les jeux de plateau (Matrix aussi proposait des allers retours entre la réalité et la virtualité mais sans l’aspect jeux vidéo).



Cela dit la fin est très inquiétante (si l'on s'en tient à cette interprétation et qu’on dépasse la fin poussive du film où les vilains militaro-industriels sont chassés et où la gentille harmonie de la nature l’emporte) : Skully renonce à sa condition d’humain (mais qu'a-t-il à perdre, n'était-il pas rejeté de toute part avant de se faire recruter ?) et choisit l’avatar : comme un ado qui s’enfermerait dans sa chambre pour ne vivre socialement qu’à travers l’avatar de son personnage de jeux vidéo. On frémit à cette vision pessimiste d’ado qui, en fait, refuserait de vivre.



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