samedi 12 octobre 2013

Soleil vert (Soylent Green de R. Fleischer, 1973)




Très bon film d’anticipation de Richard Fleischer qui, comparé à d’autres films semblables, a moins vieilli et reste passionnant. Il démarre avec un générique fameux qui résume en deux minutes une histoire de l’Amérique : partant de photos d’époque, Fleischer évoque les grands espaces franchis lors de la conquête de l’Ouest, puis le développement des villes, jusqu’au manque d’espace et l’entassement (de voitures, de logements), le tout renforcé par les split-screens qui se multiplient à l’écran et montrent le passage d'une expansion à un surdécoupage de l'espace. Le film convoque donc un des grands thèmes du cinéma américains (la Frontière) pour montrer que, une fois l’espace franchi, une fois la côte Ouest atteinte, inévitablement, le manque de nouveaux espaces conduit à un entassement, à une surpopulation et, ensuite, fatalement, à un manque de nourriture. Le film exprime donc une inquiétude qui est consubstantielle de l’esprit américain. Soleil vert fait ainsi habilement le lien entre un motif traditionnel du cinéma et un sujet d’actualité.
Fleischer a le bon goût de ne pas décrire un futur si différent du monde actuel et en ayant peu recours à des effets spéciaux, ce qui vaut au film, pour ce qui est des décors ou des costumes, d’avoir bien moins vieilli que bon nombre des films similaires de la période.
Le film reprend une structure sociale héritée de Metropolis, où les riches sont épargnés des soucis : ici ils vivent dans de grands espaces et se nourrissent normalement (on mesure l’habileté de Fleischer à montrer comme extraordinaire ce qui, pour le spectateur moyen, est tout à fait normal : un morceau de viande, une cuillère de confiture) quand les pauvres sont entassés jusque dans les cages d’escaliers et doivent se nourrir de « soylent green » (mal traduit en « soleil vert », de ce qui signifie plutôt une « pousse de soja verte ») dont la découverte de la composition est le nœud de l’intrigue.



Le cinéma du Nouvel Hollywood est passé par là et a changé le  paradigme du héros. Loin d’être fidèle à ses glorieux prédécesseurs (incarnés typiquement à Hollywood par Gary Cooper ou John Wayne), le héros, interprété par Charlton Heston qui reprendra plusieurs fois des rôles similaires dans des films d’anticipation, n’est pas celui qui est le plus fort, mais il est celui qui cherche à savoir (on retrouvera ce même principe par exemple dans Rollerball ou L’Âge de cristal). On notera que la fin est ouverte : la connaissance étant acquise, le héros ne sait qu’en faire. Il clame la nouvelle mais on ne sait pas comment la population recevra l’information.
On retiendra bien sûr, entre autres séquences, la très émouvante et très célèbre scène de la mort de Sol, qui appartenait au monde « d’avant » et qui parle du monde d’aujourd’hui comme d’un paradis perdu.



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