mardi 29 janvier 2013

Cet obscur objet du désir (L. Buñuel, 1977)





Ce dernier film de Luis Buñuel est tout à fait dans la lignée de sa période française : sous des dehors classique, il brille à la fois par son inventivité et par son irrévérence permanente, ici en explorant les dessous on ne peut plus sadomasochistes d’un couple.
Si le film commence avec cette application typique et classique de Buñuel, très vite des éléments incongrus apparaissent et commencent à faire dévier le récit. Ici l’explosion d’une bombe par des terroristes (explosion accueillie avec une distance étrange, comme si ce n’était qu’une contrariété, comme un embouteillage un peu contraignant), là un nain qui prend place dans le wagon. Et c’est ainsi que Buñuel lance le cœur de son sujet : le récit par Mathieu (Fernando Rey, fidèle du réalisateur, comme toujours parfait) de sa relation troublée avec Conchita.


Et comme ce couple est complexe, Buñuel a une idée de génie : à l’image ce seront deux actrices qui vont interpréter le même personnage. L’une, Angela Molina, sera la Conchita chaude, brûlante et sensuelle ; l’autre, Carole Bouquet, sera la Conchita froide et calculatrice. Mathieu, alors, va raconter par le menu sa soumission sans limite à Conchita, qui va l’humilier, le frustrer, le rabaisser, esclave qu’il est de sa quête de jouissance, jouissance qui lui est refusée.

Angela Molina est une Conchita sensuelle et brûlante

Carole Bouquet est une Conchita froide et calculatrice
Mais Buñuel enrichit considérablement le propos de deux manières : d’une part les interlocuteurs de Mathieu, dans son wagon, sont une mère de famille, un magistrat et un psychologue. Et, tous approuvent (ou du moins ne désapprouvent pas ni ne stigmatisent) la relation sadomasochiste. La société, représentée par les occupants du wagon, semble alors accepter cette relation perverse.
Le second aspect relie davantage encore la société entière à la relation sadique entre jouissance et douleur : le film est émaillé d’actes terroristes (explosion, fusillades, hommes armés, etc.) face auxquels la société semble bien apathique et résignée, presque détachée. Si ces actes ont une résonance contemporaine en évoquant les années de plomb, il est probable que, venant de Buñuel, il faille y voir un peu plus que la simple évocation d’un contexte historique. En fait c’est comme si le corps social ne luttait pas contre cette douleur subie et qu’elle en prenait juste acte. C’est un peu comme si tout le monde, dans la société, avait une part de sadomasochisme. Idée buñuelienne s’il en est…


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