jeudi 18 octobre 2012

Nightfall (J. Tourneur, 1957)




Très bon film noir dans lequel Jacques Tourneur met sa patte si particulière. Il y distille une angoisse, une inquiétude très bien dosée qu’il construit à l’aide de la suggestion, comme il le fait si bien, en projetant des ombres inquiétantes ou en rajoutant un élément à l’arrière du plan qui provoque le malaise.
Tourneur s’appuie sur des codes habituels du genre, en travaillant avec des flash-backs (figure de style très classique) et notamment l’idée de fatalisme ressenti par James Vanning, victime d’un passé auquel il ne peut échapper (on retrouve ici le cœur du propos de La Griffe du passé par exemple). Le jeu minimaliste d’Aldo Ray fonctionne parfaitement, avec un corps comme une boule de nerfs tendus et un texte murmuré.


Tourneur oppose aussi avec brio la noirceur traditionnelle du genre, c’est-à-dire une noirceur urbaine, faite de contrastes, d’ombres, de lumières artificielles et de lieux traditionnels (un bar la nuit, une rue sombre), avec la blancheur éclatante des extérieurs enneigés du Wyoming. Ces vastes décors blancs, synonymes d’abord d’innocence pour Vanning, puis, finalement de rédemption, sont tout à fait novateurs dans le genre et viennent cerner une intrigue resserrée et efficace. Esthétiquement Tourneur s’éloigne du style expressionniste qui est resté l’influence majeure du genre pendant de longues années. Ici le style plus naturaliste de Tourneur montre l’apport personnel du réalisateur à un genre très codé.

On voit très bien, au travers de ce Nightfall, combien Tourneur est un « contrebandier » du cinéma, dans le sens que lui donne Scorsese, c’est-à-dire un réalisateur qui, l’air de rien, bien que contraint de mille manières par les studios, sans avoir nullement les coudées franches, parvient à imprimer sa patte particulière, son style, sa manière de faire, malgré tout, en douce, comme en contrebande.
Cette qualité, lorsque l’on est ni un réalisateur superstar tout puissant qui peut imposer ses desiderata, ni un réalisateur autonome financièrement, a sans doute manqué à de nombreux réalisateurs qui se sont ou bien couchés devant les studios, ou bien fâchés avec eux, de telle sorte que, les vivres coupées, ils n’ont que rarement pu donner la pleine mesure de leur talent.


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